En laissant une telle ellipse et si peu de détails sur la nature des évolutions des personnages durant ce laps de temps et après ce laps de temps, Kishimoto autorise pleinement ses lecteurs à  penser ses personnages. Je tiens à préciser cela en en-tête car pour être franc, je pense être/avoir été incapable d'incarner ou de proposer un Naruto comme on le voyait dans son adolescence. C'est donc par l'excuse de la maturité que nous allons tenter de dépeindre ensemble ce que Naruto est devenu à travers les différents indices que l'on aurait pu laisser au lecteur.

Responsable, parce que c'était ce que Naruto cultivait durant toute son adolescence sans jamais véritablement l'assumer. Toute la philosophie plus ou moins implicitement inculquée au blondinet visait le développement du sens des responsabilités. Influencé en particulier par les préceptes du Sandaime, ce trait de personnalité érigé en valeur entre en adéquation totale avec la pensée konohajin. L'Hokage « porte » le peuple comme une famille. Comme le père de famille porte cet instinct protecteur envers les autres membres de la cellule familiale, l'Hokage protège n'importe quel membre de son village. Cela signifierait-il pour autant que Naruto laisserait mourir un étranger ? Certainement pas, le sens des responsabilités le poussera à intervenir. Cela signifierait-il pour autant que l'étranger et le konohajin ont la même valeur à ses yeux ? Certainement pas non plus, le konohajin, même anonyme à ses yeux représente un élément clé du village. Boulanger, il fournit du pain aux villageois ; maçon, il batit pour les villageois. L'implication du social dans le politique et du politique dans le social font que tous les villageois sont des éléments clés pour l'Hokage. Aimer Konoha, c'est aimer chaque villageois en tant qu'il participe à la grandeur du village. Être responsable, c'est savoir protéger toutes ces individualités comme si elles n'étaient qu'une seule entité, le Village.

Passionné, faut pas déconner non plus, on reste sur Naruto. La volonté du feu ne se contente pas d'embraser simplement l'honneur konohajin, il enflamme également certaines personnalités. Depuis son enfance, Naruto gravite autour du thème de la passion au sens le plus primaire qu'il soit. Naruto est passif face à certaines émotions. Enfant, il l'était face à Kyubi le possédant, il l'était également dans nombre de ses comportements où il ne pouvait se retenir de pousser une gueulante, foncer dans le tas ou simplement rater une occasion de se taire. Tout au long de son adolescence, une de ses missions les plus ardues fut d'apprendre à se tempérer, se rationaliser. Sa coopération totale avec Kurama est par ailleurs l'un des témoins les plus significatifs de son refus de la passivité, de la prise en main de lui-même. C'est ainsi qu'en tant qu'Hokage, Naruto a toujours cette joie de vivre si caractéristique en-lui, cette familiarité parfois déplacée, témoin de sa naïveté mais aussi de son détachement des conventions sociales superflues. Mais cette passion des affects est « adulte », elle est tempérée. On peut par là dire que le petit blond a la tête sur les épaules pour de bon cette fois.

Dévoué, car au-delà du sens aigu des responsabilités, Naruto a toujours été prêt à servir et défendre son prochain. En râlant ou sous une forme plus compatissante, pour se faire accepter lorsqu'il était nommé bouc émissaire, par instinct d'intégration ou simplement par pure gentillesse, le jeune adulte a toujours su se mettre en 4 pour servir mais également -et surtout- tenir ses engagements. Son « nindo », sa philosophie de vie tourne autour de la promesse. Promettre, même trivialement en apparence consiste à affirmer avec certitude que ceci sera effectué. Il ne s'agit même pas d'engager son honneur, Naruto n'est pas un de ces orgueilleux incapables d'oublier leur fierté et de s'humilier, de mettre la tête face à l'humus dans les situations qui le demandent. Mais il s'agit simplement de ne pas décevoir, de continuer à entretenir la joie qu'il transmet sans cesse à son entourage.

Maladroit, tant sur le plan de la dextérité qu'émotionnellement. Naruto a toujours prétendu au titre de pur beau gosse de la classe, de l'équipe pour tenter d'obtenir les faveurs des villageois. A la place, il se tapait la honte : pourquoi ? Parce que son talent réside ailleurs. Un génie de la détermination et de la joie, tout ce qu'il pouvait faire avant de savoir se battre et fonder une famille, c'était de partager cette chaleur de vie, redonner du sens à une vie alors que la sienne commençait à peine à en prendre un, de sens. Mais précisément cette adorable maladresse n'a de sens que parce qu'elle s'exprime, parce qu'il essaye sans cesse. Il y pallie sans cesse par l'intervention de son entourage, non seulement il se nourrit de leurs talents respectifs, mais qui plus est il tient le rôle de « soleil » émotionnel du village en tant qu'Hokage. Alors là transparaît un paradoxe, on le présentait en début d'alinéa comme maladroit émotionnel et maintenant comme la clé de voute de la structure émotionnelle du village. Mais précisément, Naruto ne se pense que dans le macro-relationnel. Tant sur le plan de l'intimité, c'est une buse qui peine à exprimer ce dont il est fait. Tant sur le plan social, il est considéré -à juste titre- comme un héros et un modèle de bravoure.

Cultivé, c'est là la différence profonde avec le Naruto d'antan. Sa rencontre avec le Rikkudo, sa prise de conscience de partage de chakra avec Ashura, son profond goût pour le pacifisme et sa promesse envers son défunt maître Jiraya, celle de réformer le monde shinobi. Tous ces éléments l'ont poussé à penser et à méditer sur le ninshu. Ninshu plutôt que ninjutsu, concordance des énergies, c'est une des pistes que le Naruto-Hokage poursuit dans l'espoir de réformer le ninjutsu pour impacter sur le monde shinobi. Ce trait de sa « nouvelle » personnalité se traduit d'autant plus à partir du moment où l'on saisit que sa culture se mêle à une certaine forme de bienveillance et de paternalisme. Pour ainsi dire, Naruto a matière à entretenir une riche relation paternelle vis-à-vis de ses deux enfants. Ce n'est pas un shinobi qui a passé son temps à castagner et qui n'a rien à partager, il porte une sagesse en lui.