La jeune oinin, simple anbu pour aujourd'hui, n'avait pas pu s'empêcher de s'arrêter en passant près de l'Académie. Devant les portes encore grandes ouvertes, un groupe de shinobis en devenir s'exclamait bruyamment sur les boosters qu'un de leur camarade venait d'ouvrir. Ces cartes à jouer et à collectionner rencontraient un franc succès auprès des aspirants ninjas et il était toujours amusant de découvrir la réaction que suscitait l'acquisition de tel ou tel shinobi par ces jeunes pousses.

« Encore un nanadaime ! J'en ai marre, bouda le jeune garçon.

Cela provoqua quelques rires et ses amis se passèrent les cartes nouvellement acquises pour juger de la qualité du deck à venir. Ils s'extasièrent sur deux personnalités qu'avait eu la chance de tirer le garçonnet et l'envièrent même pour l'obtention d'une carte apparemment rare, mais ce fut un tout autre détail qui vint chatouiller l'oreille de la kunoichi.

- Tiens, t'as Takeya Kurama, remarqua un de ses compagnons.

Les enfants se calmèrent puis se groupèrent autour de leur camarade tenant cette carte vraisemblablement inhabituelle.

- C'est qui ? demanda une fillette les accompagnant, sûrement traînée par son grand-frère.

- Une juunin du village, mon père m'a dit que c'était l'héritière du clan Kurama.

Cela n'était pas tout à fait vrai, songeait l'intéressée, mais elle se retint de toute correction. Yakumo-sama avait toujours été des plus fragiles et personne n'avait osé la contraindre à se mettre en danger pour un héritier de sang à sa branche. Il était cependant certain qu'elle avait vieilli et l'heure pour se consacrer à ces choses-là était passée. En l'absence d'héritier direct, les anciens se concertaient vivement pour désigner son successeur parmi les membres de la branche secondaire et Takeya figurait parmi leurs favoris. Cela était un immense honneur, mais le reste du village n'entendait pas grand chose à ces subtilités. Il s'agissait d'une nomination comme une autre et, à son plus grand regret, le clan Kurama n'était pas celui que l'on retrouvait sur toutes les lèvres de Konoha.

- Jamais vue, décréta le propriétaire en examinant son bien.

Ladite Takeya se mordit la lèvre inférieure. Il était vrai qu'elle traînait peu au village entre ses différentes missions, mais elle ne pensait pas être devenue un fantôme de Konoha pour autant. Qu'importe au final... La fonction première d'un shinobi n'avait rien de gratifiant, moins encore dans les forces spéciales.

- Koyōte ? Un problème ?

- Aucun, répondit-elle calmement.

Un hochement de tête lui répondit et le trio masqué poursuivit sa ronde dans les rues composant le village de la feuille. Ce dernier avait retrouvé un certain de calme depuis les récents événements. Cela n'était pas plus mal de retrouver un semblant de routine après les batailles dont on lui avait rapporté maints récits. Elle aurait presque voulu y être... Au lieu de défendre le nom de sa famille parmi les autres juunins de village, la Kurama s'était vue confier une toute autre tâche bien moins prestigieuse. Son regard dissimulé s'assombrit en y repensant comme la douleur demeurait présente en sa chair ; les conséquences de cette mission l'obligeaient encore aujourd'hui à se contenter de simples rondes de surveillance.

Takeya repensait souvent à cette nuit où elle avait abattu son premier déserteur. Cela avait été sa première mission d'oinin et une nouvelle consécration d'une vie dédiée à sa tâche. Pourtant, nulle excitation ne venait faire frissonner son échine ou gonfler son cœur de fierté. L'anbu demeurait égale à elle-même et particulièrement consciente des marches qu'il lui restait à franchir pour se révéler une pièce maîtresse du clan Kurama. Pour elle, il était sûr qu'un jour, ce nom résonnerait à nouveau avec admiration sur toutes les bouches du monde shinobi.

- Je vais faire notre rapport. Attends-moi ici, Taka. Quand à toi, Koyōte, tu devrais retourner à l'infirmerie, ta boiterie reprend, conseilla son équipier.

La kunoichi obtempéra sans chercher à négocier. Si on l'avait affectée à des mission aussi simples, c'était bien à cause de ses douleurs. Fichu Hyuga... Elle était bien heureuse de savoir qu'il ne pourrait plus faire souffrir personne de cette façon, celui-là. Poussant la porte devenue familière, Takeya salua le medic-nin se trouvant dans l'officine.

- Je t'avais prévenue, sermonna-t-il d'office en reconnaissant la demoiselle.

Il ne servait à rien de tergiverser. Oui, on lui avait déconseillé de reprendre les missions. Oui, elle était butée. Oui, elle souffrait atrocement. Passé cette évaluation, le médecin prit néanmoins soin d'elle et un relâchement visible s'empara du corps de la jeune femme.

- Quelle idée aussi...tes tenketsus viennent à peine de se rouvrir, tu vas abîmer tes méridiens à forcer ainsi.

- Mon corps a besoin de se réhabituer à l'effort, se justifia-t-elle.

- Ton corps a besoin de repos. À faire de « petites missions » pour te « réhabituer » comme tu dis, tu vas ralentir ta convalescence. Il vaut mieux que tu restes au repos complet pour quelques temps. Le niveau perdu par le manque d'exercice ne sera pas dur à rattraper au vue de tes capacités. Je te renvoie chez toi et je m'occupe personnellement de prévenir ton chef d'escouade.

Il ponctua là son argumentaire et signa un document qu'il rangea dans un dossier la concernant. Koyōte avait échoué, c'était tout ce qu'elle comprenait par ce renvoi des plus sommaires. Elle avait pourtant fait tout ce qu'il fallait pour pouvoir rejoindre les forces spéciales aujourd'hui, mais il fallait croire que son corps était plus lent que la moyenne en matière de régénération.

- Maintenant que les flux de chakra sont rétablis, ta récupération devrait s'accélérer, l'encouragea-t-il en voyant sa posture de malheureuse. Prends-soin de toi et nous ferons un contrôle dans deux semaines.

- Bien...

Le chemin jusqu'à son domicile lui parut durer une éternité. Avançant à nouveau le visage découvert, le col de son manteau remonté sur sa nuque et les mains au fond de ses poches, Takeya vit avec un immense soulagement la silhouette anguleuse de sa demeure apparaître sous ses yeux.

Pénétrant les lieux, elle s'inclina devant l'autel où trônaient les photographies de ses parents disparus. Un sentiment amer lui monta aux lèvres en repensant à eux. Quels piètres modèles ils avaient été dans la vie de la kunoichi ! Cela lui avait permit de savoir à quoi elle ne voulait pas ressembler et, à défaut de les aimer, la Kurama les avait au moins respectés pour avoir accomplis dignement leur devoir.

- Je suis rentrée. »

Son murmure lui sembla résonner contre les murs vides de toute vie. Son regard balaya la pièce à la décoration solennelle. Personne n'allait lui répondre. Takeya vivait seule ici depuis quelques années et parfois les murs oppressants du quartier Kurama lui manquaient. Alors elle passa la baie vitrée et s'assit à la limite de la terrasse, laissant pendre ses pieds contre les plantes vivaces la chatouillant. Il était souvent agréable d'être seule, songeait la kunoichi en observant les feuillages se balancer sous le vent.