Un corps décharné et calciné. Une carcasse, une dépouille qui respire encore et qui se signifie, dans un râle sinistre et glauque. Un mort, un damné, un monstre sans visage dans une stature imposante et massive. Par le passé, on devine difficilement qu'il était beau, que c'était un homme confiant et séducteur, qui auprès des femmes arborait un panache flamboyant. Aujourd'hui il ne reste que le cadavre de cet homme. Il fait peur, il rebute, il est craint, et rarement aimé comme il a pu l'être. C'est une forteresse meurtrie, en ruine, où se cache la conscience d'un homme qui, doucement, se reconstruit.

Vous en seriez surpris, du jeune bretteur qu'il était. Bavard, lumineux, dragueur et quelque peu vantard et baratineur, il dégageait alors une aura toute particulière ! Celle que l'on connaissait aux hommes sûrs de leurs force, courageux et hardis sur les champs de bataille, comme rares le sont. C'est d'ailleurs cette hardiesse qu'il paye au prix fort, aujourd'hui encore. Maintenant, il se mure derrière le silence. Il s'exprime peu, tout du moins avec les mots, parce qu'ils lui font défaut et souvent ceux des autres ravivent les maux. Son regard suffit, il en dit long, plus qu'il n'en faut pour le comprendre... Un regard sombre, mystérieux et mystique. On s'y perdrait tant il est beau ! C'est le seul vestige de ce qu'il était, la seule chose qui se lit encore sur son visage scarifié. On peut y comprendre ses émois et y lire une profonde tristesse : Un mal-être abyssal qui vous emporte. Mais ce regard n'en demeure pas moins beau ! Effrayant certes, aussi profond que mélancolique, mais sens nul doute bouleversant, peut-être même séduisant ! C'est là, le charme de la tristesse...

Ce parfum acre qu'il traîne, c'est l'odeur de la mort. Un parfum piquant, celui d'un corps dévoré par les flammes. Un parfum que vous connaissez tous, celui des cendres encore incandescentes et des chairs brûlées... Un parfum qui en ferait vomir plus d'un ! Comme gangrené par la solitude, son cœur est à la mesure de sa dépouille : Sans vie ! C'est la conséquence logique du rejet que tous et toutes lui imposent. Il inspire la crainte, plus que la sympathie. Par conséquent, comment se faire des amis, alors que même ses frères d'armes le fuient ? Il ne suscite rien d'autre que le dégoût chez les femmes, elles le craignent quand elles ne le fustigent pas d'obscénités. Comment en trouver une qui puisse l’aimer ?

Y a t-il quelque chose de plus douloureux que d'être le seul exclu aux plus essentiels des bonheurs, à savoir l'amour d'une femme et l'amitié d'un frère ? Comprenez alors qu'il soit aigri, agressif et un tant soit peu fermé...Kazushi se tait alors dans les silences et l'obéissance aveugle. Obéir c'est ne plus réfléchir. C'est là un refuge contre les tourments. Pour ne plus se retrouver seul avec soi-même, dans cette prison, avec ce corps qui le dégoûte... Dorénavant, son silence et sa dégaine inspirent plus de peur et de mystère qu'il n'en faut pour que des rumeurs obséquieuses circulent en son nom. A croire qu'en perdant son visage, ses frères d'arme en ont oublié qui il était vraiment ! Un homme bien et d'honneur, qui s'est sacrifié lors de la dernière guerre ninja. Pour la gloire de Kumo, pour honorer une parole et une mission ! Mais qu'importe, si tout le monde le pense devenu fou, si tout le monde le pense devenu démoniaque, peut-être y a-t-il un fond de vérité ?

Trentenaire d'expérience, respecté mais craint, Kazushi affiche en équipe un air placide. Il reste silencieux, ne s'investit jamais dans les prises de décisions, ne parle pas et ne fait que suivre les instructions données. Si bien qu'il ne dirige presque jamais d'équipe, le Raikage le préférant sur des missions en solitaire plutôt qu'en équipe. Pourtant, il fut un temps où c'était un ninja très apprécié, un très bon chef d'escouade. Même si aujourd'hui il donne l'impression d'être un individualiste, qui se soucie plus de la mission que de ses frères d'armes, il n'en ait rien. Seulement, depuis la dernière guerre ninja, il n'a pas retrouvé de camarades à la mesure de son amitié !

Homme de parole et d'honneur, Kazushi est l'archétype du Shinobi de Kumo. Fier et courageux, il arbore une posture droite et assumé, alors même que tout le monde le regardent comme un monstre, comme un vestige nauséabond de la dernière guerre. Il n'en faiblit pas pour autant, il reste humble et honorable ! Sa démarche altière n'est pas celle de ceux qui se suffisent dans l'orgueil et l'ostentation. C'est plutôt celle d'un homme blessé, qui a tout perdu et, qui mesure bien la valeur inestimable du peu qui lui reste.

Les vétérans de Kumo ont un énorme respect pour Kazushi, ils connaissent son histoire, ses œuvres et sa bravoure. Mais les plus jeunes le fustigent, l'insultent et le rabrouent comme un malpropre. L'ignorance et la stupidité consanguine de la jeunesse les empêchent de voir le monument qui trône là, devant eux ! A défaut de les corriger, notre bretteur préfère les assassiner du regard, ou tout simplement les ignorer et passer son chemin la tête haute. C'est souvent ce qu'il fait, quand son morale faiblit et qu’il n'a plus la force de lutter. Il aimerait, sans jamais le dire, qu'on l'épaule davantage ; que les vétérans, ses anciens camarades de batailles lui parlent, comme si de rien était, comme quand il était Kazushi le flamboyant ! Mais une honte plombe leurs regards, vissé sur leurs sandales... Comme si le poids le la culpabilité les avait enchaînés, le nez au plancher, devant ce grand brûler en mal d'attention, d'amour et d'amitié.

Coucou, c'est moi Miki Yukido. Je suis greffière au département des ressources humaine et Shinobi de Kumo. C'est une tâche de Kunoïchi plutôt tranquille pour une fille qui ne l'est pas du tout. Fraîchement promue Chûnin, je n'ai pas assez d'expérience pour diriger une équipe et, encore moins pour faire des missions en solitaire. J'avais, je ne vais pas vous mentir, d'autres ambitions que la paperasse. J'aime l'action, le palpitant à 200 et l'adrénaline des enquêtes mordantes, des combats, des disparitions et des désertions ! J'aimerais vraiment devenir une Jônin un jour vous savez ! Pas grave, je passerai les examens internes et, ma carrière ne fait que commencer. D'ici là, j'effectuerai quelques missions en équipe pour prendre de l'expérience, mais mon job à plein temps ici au bureau des ressources humaines, c'est les ragots...

Moi ma tâche c'est de gérer les ordres de missions, je les affecte à des ninjas disponibles, et je convoque à mon bureau les ninjas concernés. Seulement les missions de rang D à rang B en général. Evidemment je ne suis pas toute seule pour faire cela, nous avons un bon millier de ninjas ! Quant aux ordres de missions de rang A et S, bien plus rares, ils sont souvent gérés par le Raikage en personne, qui constitue alors à sa manière les équipes d'interventions. Les ninjas concernés sont alors convoqués dans son bureau. Bien sûr le Raikage délivre aussi ses propres ordres de mission, des tâches pour le compte du village ! Pour le reste d’entre elles, celles plus courantes ou celles payées par des notable du pays, c'est ici au bureau des ressources humaines, au pied de la tour du Raikage que les ninjas répondent aux convocations, à mon bureau...

C'est vous dire que des ninjas j'en vois passer. Je les connais presque tous et, ils sont des milliers, c'est une sacrée performance n'est-ce pas ? Mais il y en a un tout particulièrement qui m'intrigue ! Les rumeurs et les ragots vont bon train à son sujet dans le service. Ce ninja, c'est Raïken Kazushi, un Jônin vétéran de la dernière grande guerre ninja. Il effectue quasiment toutes ses missions en solitaire, souvent des missions de rang B. Je ne l'ai jamais entendu prononcer un seul mot. Il ne parle pas et, pendant longtemps j'ai cru à tort qu'en plus d'être un grand brûlé, qu'il était aussi muet. En posant des questions aux ninjas plus âgés, ceux qui le connaissent d'avantage, j'ai appris que lorsqu’il était jeune, il était un grand bavard avec beaucoup de charisme et de bagou. On m'a aussi expliquée que pendant la dernière guerre ninja, il avait perdu son épouse. Une certaine Yomi Yuzei. Fou de rage, il s'était alors jeté seul à l'assaut d'une ligne de front où les ninjas de l'alliance battaient en retraite, tellement l'ennemi dominait... D'où son état aujourd'hui. C'est un héros de la dernière guerre, son geste a couvert la retraite d'un millier de shinobis !   


/Naissance/ Je suis né au nord de Kumo, un jour d'hiver, sur une île perdue dans la mer gelée qui sépare Kumo du pays de la Vapeur. La mer des nuages comme on l'appelle... Ma mère s'est amourachée d'un ninja de passage, un ninja de Nadeshiko. Un homme grand, beau et séduisant,  me disait-elle. Un bourreau des cœurs, qui n'est pas resté bien longtemps sur notre petit archipel chéri. Ici, en tout et pour tout, nous ne sommes qu'une petite centaine. Dans ce territoire isolé du nord, ou rien ne se passe jamais, règne la paix et l'oisiveté...

Mon enfance a été heureuse, ne vous méprenez pas. Mon grand-père m'a servi de figure paternel. C'est un homme de bons conseils, maître du temple et, il est le plus vieux résident de l'île. Il m'a appris tout ce qu'il convient de savoir : De la sagesse à la patience, de l'amour à la persévérance, de la colère à l'art du sabre. Le jour de mes treize ans, j'ai alors décidé de découvrir le monde qu'il m'avait tant de fois dépeint dans ses histoires. Mère et lui m'ont alors confié au monde ninja, dans l'espoir que je puisse réaliser mes rêves...

/La vie de ninja/ J'ai la flemme ce matin ! Comprenez-moi, je suis le seul garçon de l'équipe. Elles ne font que parler astuce beauté, ragots et vêtements. J'en ai plein les oreilles, cela bourdonne comme un feulement incessant... Le genre qui rendrait fou allié quiconque l'entendrait ! Toute enjouée, la première des pimbêches entame l'offensive...

« Senseï, vous savez quoi j'ai acheté une robe sublime, j'aimerais vous la montrer !
- Tu sais Yomi, je te trouve ravissante, même dans la tenue régulière du ninja.
- Cherche pas Kazu' tu ne m'intéresses pas ! Je ne suis pas comme toutes ces filles que tu séduis. Ta belle gueule et ton bagou ne prennent pas avec moi !
- Aoutch ! C'est ce que l'on appelle  se prendre un méchant raffut ça. Pauvre Kazu' ! Viens dans mes bras, maman va te réconforter...
- Senseï !! Soyez pas si complaisante avec lui, c'est un vrai goujat avec les femmes !
- C'est vrai ça Mito Senseï ! Regardez-le, il en profite, ne le laissez pas faire !  
- La poitrine de Senseï est douce, cette tendresse suffit à guérir toutes mes peines de cœurs !
- Sayuki toi aussi tu ne serais pas jalouse, comme Yomi...
On est pas JALOUSES !
- Trêve de bavardage les enfants, nous formons pour la dernière fois l'équipe six aujourd'hui. Vous êtes tous devenus des Chunins et je suis très fière de vous ! »

/La 4ème guerre Shinobi/ Du sang dans un carnage assourdissant. La bataille c'est un chaos, où le feu et les cris règnent en roi et reine. Le tumulte des corps qui s'opposent et, le fracas des armes qui se croisent résonnent comme une ode à la mort. Une symphonie lugubre où chacun lutte pour sa survie.

Dans cet enfer, les cadavres tombent les uns après les autres. Un détachement de la deuxième division vient de tenter une percée. Mais l'alliance subit de lourdes pertes sur cette partie du front, l'ordre a été donné de battre en retraite plus au sud et de rejoindre la plus grosses des troupes. La deuxième division rassemble les combattants à courte portée, elle est en première ligne sur le front nord ! Le général Kitsuchi a ordonné au détachement de se replier et, de le rejoindre. Bientôt, la moitié des troupes partira soutenir la première division, celle du général Darui. Mais contre toute attente, à contre-courant, un ninja s'élance seul.

Dans le regard de ce ninja, on peut lire la tristesse et la résignation de ceux qui n'ont plus rien à perdre. Un râle sinistre et lugubre résonne quand il lance l'attaque, seul contre tous, son sabre en mains et les larmes aux yeux...

L'air devient de plus en plus lourd et dense. A chaque inspiration les ennemis à proximité se brûlent de l'intérieur, tant l'air est chaud ! Bientôt il faut fermer les yeux pour ne pas les perdre et reculer. La chaleur est insoutenable, elle dévore les cuirs qui s'approchent de trop près du soleil, qu'est devenu à cet instant le ninja de Kumo. Autour de Kazushi une aura sinistre et brûlante s'élève. Son corps est noyé dans les flammes et, ses râles de douleurs qu'il crie glace le sang de tous ceux et celles qui l'entendent et le regardent. Dans leurs dos, tout en se repliant, les ninjas de l'alliance sont épris par un sentiment mêlé. Un mélange d'effroi, de compassion, de crainte et de respect. Il y a dans ce corps dévoré par les flammes, une conviction inébranlable et, un désir de vengeance qui pousse un homme aux portes de la mort. C'est un désir fou que de vouloir s'immoler pour l'amour d'une femme perdue, dans l'espoir de la rejoindre...
     
/Convalescence/ Au sortir de ce long silence intérieur,  j'ai retrouvé la chaleur tiède d'un lit. J'étais alors alité dans l’hôpital de Kumo. Le blason de la foudre dans le dos d'une infirmière, changeant alors les draps blanc d'un lit voisin n'aurait su me mentir. Quand elle me vit revenir à moi, tout sourire de la jeune femme m’éclaira des nouvelles auxquelles je n'étais pas aux faits, perdu que j'étais dans le repos d'une mort à demi réalisée.

« Cela faisait trois mois que vous étiez dans le coma. La guerre est finie, nous avons gagné. Le Raikage est fier de vous et, il vous a cité dans son discours pour les héros ... Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé ?! »

J'ai acquiescé d'un geste de tête, avant de porter mon regard sur l'horizon. J'aurais préféré mourir, pourquoi m'en suis-je sortie...

« Le Ninja médecin va venir vous expliquer votre état de santé. Personne ne devrait survivre à de telles blessures, mais vous êtes quelqu'un de spécial. Vous en saurez d'avantage tout à l'heure. Je vais le chercher, je reviens ! »