« J’abandonne. »
Un vent de stupeur souffla sur toute l’assemblée. L’annonce d’Akira était surprenante. L’arbitre venait à peine d’annoncer le début du combat et il déclarait forfait ? C’était du jamais vu. Son adversaire lui lança un regard méprisant.
« Les Yuki sont tous des lâches. Ils ont mérité leur extermination. »
Akira jeta un oeil sur son interlocuteur. C’était un Genin de Kiri, issu d’un clan puissant et respecté. De toute évidence, un affrontement entre eux deux aurait été un beau spectacle, mais il n’avait absolument pas envie de se battre. Son esprit n’avait jamais été aussi préoccupé. Le sort du village dépendait entièrement de sa décision. Il ne comptait certainement pas revenir dessus malgré les provocations du premier imbécile venu.
« Je me suis blessé lors de l’épreuve précédente et ne peux plus me battre. Puis-je aller à l’infirmerie ? »
Un mensonge pour quitter l’endroit le plus vite possible et du mépris pour répondre au mépris. Akira s’éclipsa dès que l’arbitre lui en donna l’autorisation et rentra chez lui pour y attendre son père. Pendant les quelques minutes qui s’écoulèrent dans le plus grand silence, le garçon se contenta de regarder le katana de sa mère. Elle était morte peu après sa naissance et ce sabre était la seule chose qu’elle lui avait laissé. Une arme qui avait trahis son maître. Tout comme il s’apprêtait à le faire. L’ironie de la situation le fit amèrement sourire. Ce rictus disparu lorsque son père apparu face à lui.
« A quoi tu joues Akira ! »
Le garçon leva les yeux et resta inexpressif. Lorsqu’il s’était résolu à protéger le village, quitte à trahir son propre géniteur, il avait imaginé des centaines de fois ce moment précis. Mais maintenant qu’il vivait cet instant, il en mesurait toute la gravité. Les mots restèrent bloqué dans sa gorge. Il ferma les yeux.
« Je refuse de t’aider à provoquer cette guerre. »
Un silence glacial suivi sa déclaration. Son père resta de marbre un long moment alors que sa phrase résonnaient encore dans l’air. Akira reprit le contrôle de son souffle et se mit à respirer calmement. La réponse de son interlocuteur marquerait ou non le début des hostilités.
« … alors tu me trahies à ton tour. »
Le garçon haussa un sourcil. Il s’attendait à cette réaction, mais n’avait pas envisagé la suite.
« Ta mère aussi était une traîtresse. Elle m’a fait croire en son amour, en une vie meilleure. Elle s’est servie de moi… »
Akira resta bouche bée. C’était la première fois qu’il entendait son père parler d’elle ainsi. Jusqu’ici, il avait toujours cru en l’amour inconsidéré que ses parents semblaient avoir partagé. Ces propos étaient totalement incohérent. Etait-il devenu fou ?
« Mes amis, ma famille, mon village. Ils sont mort pour elle, pour les Yuki. J’étais aveugle. J’ai cru en ces mensonges… »
Il avait baissé la tête, l’expression de son visage était invisible, caché derrière un voile d’obscurité. Akira recula d’un pas. Jamais il ne l’avait vu dans un état pareil.
« Je faisais parti des sacrifices, comme tous les autres je n’étais que de la chaire à canon pour elle… »
Pour Akira, c’était plus qu’il ne pouvait le supporter. Aujourd’hui, il n’avait pratiquement plus aucune considération pour son père. Durant toute sa vie cet homme s’était contenté de l’utiliser comme un pion dans ses machinations pour détruire Kiri. Il ne lui avait jamais montré le moindre signe d’affection et s’était comporté comme un parfait tyran pendant toutes ces années. Malgré cela, il avait continué de l’aimer comme n’importe quel fils. Jusqu’à ce qu’il entende ces mots.
« … je l’ai tué. »
Un éclair blanc traversa le champ de vision du jeune garçon. L’instant suivant il était couvert de sang et tenait fermement la poignée de son katana. A quelques centimètres de lui le visage déformé par la douleur, une main sur la lame qui s’enfonçait dans ses entrailles, son père le regardait pour la première fois avec amour. Il l’avait poignardé dans un excès de folie.
« Tu as… les yeux de ta mère. »
Un voile se posa sur son regard et il s’écroula sur le sol. Akira resta complètement pétrifié et une larme se mit à couler sur son visage. Lorsqu’elle arriva au niveau de sa joue, elle se figea et se couvrit d’une mince pellicule de givre. En quittant sa peau ce n’était plus une larme… mais une perle gelée.