Je me nomme Ejirô. J’ai acquis le droit de me faire appeler Kiri no Ejirô mais nous ne sommes pas ici pour parler de moi. Yamanashi Unimaru. Un garçon plein de surprise. Je connais son histoire, j’en connais plus encore que ce vous lirez à son sujet. Son enfance n’a pas été tendre mais il a su rebondir, il a su saisir chaque opportunité pour s’améliorer. Je ne le connaissais pas à cette époque, ainsi je ne peux vous dire comment il était. Je peux vous dire par contre comment il était lorsqu’il est arrivé à Kiri. C’était un enfant sage, obéissant, timide. Comment dire, il était un héritier du Démon mais il ressemblait plus à bon petit soldat.  Il en faut c’est évident mais Unimaru devait être plus que cela. Du soldat il fallait en faire un chef de guerre. Je pense avoir réussi dans cette tâche. Les sévices qu’il a subis dans son enfance ont forgé sa personnalité. Aujourd’hui c’est un jeune homme à l’esprit troublé. Les gens sont mal à l’aise en sa présence, il dégage une aura malsaine. Qui pourrait l’en blâmer ? Il se montre moqueur voire insultant envers ses camarades. Le sarcasme a dû devenir un bouclier pour lui à un moment ou un autre. Il en fait usage à n’importe quel moment malheureusement. Il est pourtant si respectueux avec moi. Oh j’ai compris pourquoi il y a quelque temps déjà. Il respecte la puissance, il me pense puissant alors il me respecte. Il respecte le Mizukage par exemple car il le sait très puissant. Il pousse ce concept à son paroxysme. N’étant pas Kiri-Jin de naissance, il n’en est pas moins patriotique. Il considère le village comme un être vivant, comme un être très puissant alors il le respecte profondément. Du plus loin que je me souvienne il n’a pas beaucoup de passion. Il passe ses journées à dormir et à s’entraîner quand il n’est pas en mission. Cela dit j’ai entendu des rumeurs, des échos de ses missions. Il paraît qu’il s’enivre facilement du sang de ses adversaires. La vue de leur sang l’exalte. Sa soif de mort et de puissance semble infinie. Je ne sais pas s’il mérite l’une des sept épées, les anciens porteurs n’avaient pas un esprit très différent après tout.

Pour ce qui est de sa vie privée. Je peux vous dire qu’il ne fréquente personne, il ne cherche à fréquenter personne. Même les deux autres jeunes avec qui il s’entraîne ne font pas partie de son cercle d’amis, je ne crois pas qu’il en ait. L’amour, cela fait longtemps qu’il a oublié ce que c’était. La haine, il la ressent tous les jours. Il l’avait oublié mais lorsqu’il apprit l’évasion de celui qui l’avait kidnappé étant enfant, une rage intense s’installa dans son cœur. Il recherche la vengeance, comme s’il s’était promis qu’il assouvirait un jour cette envie meurtrière.  

Les corps parsemaient le sol. Les flaques de sang s’agglutinaient sous chaque cadavre. Tous n’étaient pas morts, tous n’avaient pas péri de la main de ces hommes, de ces étrangers. La bâtisse était grande, richement ornée, inutilement gardée. Faite d’un bois aussi sombre que les nuages qui planaient dans le ciel, elle appartenait à une riche famille d’un pays quelconque, un petit pays à l’Est du pays d’où les meurtriers venaient. La famille fortunée n’avait rien demandée. Elle devait certainement vaquer paisiblement à ses occupations, rien ne l’avait préparée à une telle cascade de violence. Les gardes de la demeure étaient pleins de bonne volonté, pleins de talents mais que faire face à de telles monstruosités ? Fuir, se cacher, attendre que la tempête passe. « Il vaut mieux être un lâche en vie qu’un héros mort ». C’est ce que le chef de l’équipée morbide vous aurais volontiers répondu. Cela dit, au milieu de cette valse avec la mort se dressait la vie.

Toute la famille n’avait pas été massacrée, les enfants avaient été épargnés. Pourquoi ? Encore une fois, le chef de l’escouade punitive vous aurais répondu avec sa logique douteuse « qu’importe d’où vient la jeunesse elle est toujours utile une fois formée ». C’était un mensonge. S’il les a gardés en vie ce n’était que par pur caprice, un désir fou et dangereux, c’est comme cela qu’opérait le monstre aux mains sanglantes. Parmi ces enfants se trouvait un fils déshérité de par son ordre de naissance. Étant le dernier-né du patriarche, jamais il n’hériterait de ses biens, il ne serait bon qu’à s’engager dans les Ordres. Devenir moine ne l’intéressait pas. De ce fait, depuis sa naissance il dut se laisser faire face à ses aînés, ne pas lutter pour sa vie. Aujourd’hui ce serait différent. « Vous êtes trop nombreux ! On ne peut pas tous vous emmener… Il ne doit en rester qu’un ! ». Voilà ce qu’avait décrété le chef aux mains sanglantes. Afin de faciliter la tâche. Non. Afin d’accélérer le mouvement il avait jeté une poignée d’armes au sol.

Les sept enfants étaient restés là, sans bouger, les yeux écarquillés, la gorge sans voix. Que devaient-ils faire ? Tuer leurs frères, sœurs, cousins et cousines . Ceux qui avaient compris tombèrent à la renverse ou déglutirent tout le contenu de leur estomac. Le jeune garçon que tout le monde rabaissait à longueur de journée tenait fermement l’arme, le kunai, qu’il avait ramassé. Il voulait vivre, il avait compris que si personne n’agissait aucun ne partirait. Ne le percevez pas comme un enfant de six ans cruel, sadique, sans cœur. Peut-être voulait-il tuer ses aînés car il n’éprouvait que de la haine pour eux ? Peut-être obéissait-il au monstre aux mains sanglantes car il avait l’habitude d’obéir ? Jamais l’enfant ne lèvera le voile sur cette question. Tout ce qu’il reste dans la mémoire de ces hommes, c’est qu’il avait été le premier à tuer et le dernier encore debout. Voilà comment un enfant de six années venant d’une famille riche s’était retrouvé dans cette compagnie barbare.

L’intégration dans ce groupe d’hommes avait été difficile. Il ne savait rien des arts martiaux. Il n’était d’aucune utilité pour le groupe. Il devait apprendre. L’enfant apprit à malaxer son chakra ainsi que de le concentrer dans ses différentes parties du corps. Cela n’était pas facile. Durant deux années entières son professeur réprimandait le garçon, la plupart du temps l’enfant devait serrer les dents et encaisser les coups, d'autres fois il devait serrer les dents et attendre que l’insupportable se termine. Malgré tous les sévices qu’on pouvait lui infliger, sa force de vivre ne disparaissait pas. Encore moins maintenant que le chakra lui était disponible. *Un jour je les tuerais tous… Je les massacrerais comme ils l’ont fait…*. Voilà le genre de pensés qui parcouraient l’esprit du garçon. Bientôt son calvaire serait terminé. Mizu no Kuni. Le pays qui serait la tombe d’un groupe et la renaissance d’un enfant.

Les Shinobi du village de Kiri traquaient le groupe de criminels depuis longtemps déjà. Plusieurs fois la confrérie meurtrière leur avait échappé. Pas cette fois. Cette nuit-là, l’enfant s’en souvient comme si c’était hier, l’air était frais, le sang qui coulait de son nez et du coin de sa bouche ressentait la fraicheur du vent plus facilement. Il était couché dans le coin d’une tente de fortune. C’est à ce moment-là que des bruits se firent entendre. Le fracas des armes, les cris de douleur. La mort était présente cette nuit-là et elle dansait avec joie parmi les Hommes. Tous n’étaient pas morts, tous n’avaient pas péri de la main de ces Shinobi. Ils trouvèrent l’enfant. Ils arrêtèrent certains criminels dont le monstre aux mains ensanglantées. Le jeune garçon avait huit ans à présent. Il avait appris le maniement du sabre, le ninjutsu de base. Il pouvait s’en sortir dans un village caché. En temps normal, un orphelin trouvé dans une situation comme celle-ci serait envoyé dans un orphelinat. Pas cette fois. L’enfant avait quelque chose de spéciale. Quelque chose que tout Kiri-Jin reconnaissait. En apprenant à contrôler son chakra, l’enfant avait contracté une petite altération. Ses dents s’étaient aiguisées comme les crocs d’un animal.

Au village caché de la brume, l’enfant n’avait pas été envoyé à l’Académie comme les autres enfants de son âge. Non. Les enfants qui possédaient les mêmes… traits particuliers étaient envoyés ailleurs. Le jeune garçon avait été escorté au sommet d’une petite montagne, le lieu était gardé, l’enfant n’avait aucune confiance dans les gardes tant les siens avaient échoué autrefois. L’escorte avait laissé le déshérité aux portes d’une petite bâtisse en bois, sans prétention, sans ornements, sans fioritures. Là se tenait un vieil homme. Il tenait sa position du lotus avec droiture, rien ne semblait pouvoir le faire bouger de son piédestal de roche d’où il observait d’un œil acéré le garçon, son autre œil ayant perdu toute vitalité. Le soleil brillait sur son crâne dépourvu de cheveux, la brume faisait perler de fine goutte d’eau dans son épaisse barbe blanche. L’enfant ne savait pas ce qu’il faisait ici, ne savait pas qui était cet homme, ne savait pas quoi faire. « Kiri no Ejirô… c’est ainsi que je me nomme ». Sa voix était faible mais profonde, le garçon savait qu’il devait se présenter en retour, mais cela faisait bien des années qu’il n’avait pas prononcé son prénom. C’est non sans anxiété qu’il répondit « Yamanashi… Unimaru ».

Il était en ce lieu depuis six mois à présent. Ejirô-Sama lui avait expliqué pourquoi il était là. En tant qu’héritier du Démon, comme toutes personnes ayant ces dents, il serait entraîné à l’écart. Entraîné à maîtriser le kenjutsu dans un premier temps et c’est ce qu’il faisait depuis son arrivée. Son armement se composait seulement d’un sabre sommaire à la lame émoussée. Il avait vite été rejoint par d’autres enfants, deux pour être précis. Le vieil homme leur enseignait son savoir avec sévérité et parfois cruauté mais bienveillance. L’enfant se montrait réservé, timide mais plein de volonté. Il parlait peu à cette époque. Il avait attendu une année avant d’être en confiance en ce lieu. Une année pour enfin commencer à s’ouvrir. Il aurait peut-être été préférable qu’il ne le fasse pas. Il était moqueur, insolent, arrogant et aussi cruel que ses anciens compagnons de route. Les autres enfants se sentaient mal à l’aise en sa présence. Cela dit, il était respectueux envers le vieil homme. L’année suivante, on lui enseigna un ninjutsu plus avancé, un kenjutsu plus poussé. On leur apprenait à devenir des tueurs, à devenir l’élite de ce village.

Il avait onze ans lorsqu’on lui permit de passer l’examen Genin. N’étant pas de l’Académie, l’examen était différent. Plus difficile. Peut-être. Il n’en savait rien, il avait donné tout ce qu’il pouvait. Il était ressorti de la salle de classe épuisé. Il était retourné auprès du vieil homme pour se reposer. Celui-ci l’accueillit avec un timide sourire difficilement discernable derrière l’épaisse barbe. « Félicitations. Tu es officiellement un ninja de Kiri. ». Avait-il dit tout en lui lançant son bandeau frontal et en lui présentant son nouveau sabre.